Le mois dernier nous vous parlions des Yoga Sutras de Patanjali et des 8 « piliers » qui guident le yogi vers l’éveil.
Le premier de ces piliers concerne les 5 yamas. Petit rappel : les yamas sont les valeurs universelles à appliquer afin d’évoluer dans un environnement propice à l’évolution spirituelle, elles concernent notre relation aux autres, à la société, elles mènent à l’harmonie.
Le premier des Yamas que cite Patanjali est Ahimsâ. C’est d’Ahimsâ que je souhaite vous parler aujourd’hui.
hiṃsā signifie « action de causer du dommage, blessure » et a- est un préfixe privatif.
Ahimsâ signifie donc « non-violence », ou encore « l’action ou le fait de ne nuire à aucune vie ». Patanjali nous invite à une forme de relation pacifique avec tout être vivant et plus généralement au respect de la vie.
Programme d’actualité s’il en est, à l’heure où tant d’espèces disparaissent ! Il s’agit de respecter la vie, la nature sous toutes ses formes.
La première des formes de vie à respecter est sans doute la sienne, la non-violence dans sa propre vie. Si je me nourris de choses violentes que peut-il émerger d’autre que la violence ? Les relations que j’entretiens me font-elles violence ? Les musiques que j’écoute ? Les livres, les films dont je nourris mon intellect, suis-je certain.e qu’ils ne sont pas porteurs de violence ? Les aliments que je mets à disposition de mon corps, ne lui font-ils pas violence ? Tous les plans de mon existence sont concernés par ahimsâ.
Patanjali parle d’ahimsâ de manière plus large, dans les relations à l’autre et à toute forme de vie. De la même manière que la violence touche tout les aspects de mon être, du plus grossier au plus subtil, chacun de mes actes vient impacter la vie, de manière grossière ou subtile, mais aussi de manière directe ou indirecte. Ainsi lorsque j’achète une paire de baskets je n’ai pas le sentiment d’un acte de violence, mais si je prends conscience de la vache dont il a fallut récupérer le cuir, du plastique qui va terminer sa vie un jour dans la cheminée d’un incinérateur au mieux, et au pire sur une plage, des travailleurs à l’autre bout du monde qui n’ont eu d’autre choix que d’assembler les pièces de ces baskets pour quelques roupies dans des conditions déplorables, du gasoil qui a servi à les acheminer jusqu’à ma ville, si je prends conscience de tout cela, suis-je bien certain.e d’être dans une relation pacifique avec le monde en achetant des baskets?
Pourtant, à moins de passer sa vie à méditer dans une grotte, il faut bien se nourrir, se chausser, travailler. Oui, mais partout où j’ai le choix je peux, en conscience, choisir l’acte qui est le plus respectueux de la vie.
Dans le cas de l’achat d’une paire de baskets la violence avance masquée, la percevoir me demande d’élargir mon champ de vision. Elle est souvent bien plus criante. Verbale ou physique, c’est la violence d’un parent démuni, débordé, la violence d’un conjoint jaloux, la violence d’un chauffard, la violence dans les quartiers les plus défavorisés, la violence des conflits armés, les exemples ne manquent pas ! Lorsque la colère monte, à moins de s’y être exercé, elle s’exprime dans la violence.
Tout le travail du yogi consiste à apprendre à reconnaître l’émotion qui monte et à faire naître volontairement l’émotion opposée, dans le cas de la colère la paix, la compassion. Facile à dire, difficile à faire. Nous sommes tous porteur de la violence. C’est un long entrainement que d’arriver à cette maitrise.
Cela me rappelle quelque chose… Lors de ma première retraite dans un ashram en Inde il y eut un soir une distribution de couvertures et d’huile auprès des villageois. Ils étaient nombreux, et cela demandait une vraie organisation. Un swami supervisait les opérations. C’était l’un de ces swami pilier de l’ashram, vêtu d’orange, rasé, il avait une présence incroyable. Quelque chose se passa qui m’échappa, un accro dans le protocole sans doute, et d’un coup il se mit à hurler contre une swami plus jeune qui se mit à pleurer. Tout le monde fit comme si rien ne s’était passé et le calme revint immédiatement. Même des personnes qui consacre leur vie à la spiritualité perdent le contrôle, alors restons humble… Acceptons nos colères, et la violence qui malheureusement parfois vient avec, et continuons à nous entrainer.
Lors de cette retraite on me demanda de servir le repas. Il fallait donner un seul chapati à chacun, c’était la règle. L’un de ces swami en orange, pilier de l’ashram (je ne sais plus bien si il s’agit du même swami), m’en réclama un second, je refusai. Bien mal m’en pris, il ne me dit rien, mais il s’en plaint sans doute en cuisine car on vint me le reprocher. Je trouvais ça profondément injuste, la règle n’était pas la même pour tous, il y avait des privilèges même ici, blablabla… mon mental s’en donna à cœur joie et la colère monta…
L’injustice engendre la colère. Je devrais dire le « sentiment d’injustice » engendre la colère. Car dans le cas du chapati, y avait-il vraiment injustice ?…
Tant qu’il y aura de l’injustice, tant qu’il y aura des gens sur terre dont les besoins vitaux ne sont pas couverts, alors il y aura de la violence. A chacun de prendre sa part, là où il est, dans son quotidien, pour que cessent les injustices afin que diminue la violence.
Patanjali nous dit que lorsque l’on est fermement établi dans ahimsâ, toute hostilité disparaît autour de soi. Le Mahatma Gandhi vénérait ahimsâ, il ne nourrissait aucune mauvaise intention, mais il avait des ennemis et il a finalement été tué… De même le Christ a été crucifié, Mahomet lapidé. Ces hommes avaient des ennemis.
Comme si représenter l’inverse de la violence était une violence en soi. Cela montre combien il est difficile de pratiquer ahimsâ, il ne suffit pas d’être non violent, mais il s’agit aussi de ne pas provoquer la violence ou l’hostilité.
Agathe
A propos de l’auteur
Agathe
Après avoir exercé des fonctions d’ingénieur agronome, elle part vivre 2 années en Inde où elle découvre la philosophie du yoga et cela modifie profondément sa vision de l’existence.
De retour en France, elle se forme au Yoga Saraswati, un yoga traditionnel dans la lignée Satyananda. Elle s’y est formée au Hatha-Yoga, Kundalini Yoga et Raja Yoga.
Elle se forme également au Yoga du Son auprès de l’Institut des Arts et de la Voix.
Elle se consacre pleinement au yoga et à son enseignement depuis 5 années.
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